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Chroniques de Lara Lusytana
9 avril 2014

N'importe où hors du monde.

Plus le temps passe et plus je m'aperçois que l'être humain est toujours à la quête d'un idéal. Nous pensons que le changement serait un moyen de s'orienter vers un avenir meilleur, on a cette soif d'evasion pour oublier ce que l'on vit au quotidien. En Avril 1865 Baudelaire applique son art poétique pour fuir la réalité, sa réalité. En Avril 2014, je tombe sur un reportage à propos de Lisbonne et entend le presentateur citer un extrait de Baudelaire. J'ai cherché et trouvé son oeuvre (merci à la nouvelle technologie du 21ème siècle). Mais voilà, je me laisse emporter dans ce poème comme si j'en étais l'auteur. Soudain, je prends conscience de la magie de l'écriture, les mots sont intemporels, je ressens cette émotion que Baudelaire a décrit il y a trois siècles de cela. Alors je m'évade dans mes pensées et vous fais partager mon voyage... L.H N’IMPORTE OÙ HORS DU MONDE. Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu’il guérirait à côté de la fenêtre. Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme. « Dis-moi, mon âme, pauvre âme refroidie, que penserais-tu d’habiter Lisbonne ? Il doit y faire chaud, et tu t’y ragaillardirais comme un lézard. Cette ville est au bord de l’eau ; on dit qu’elle est bâtie en marbre, et que le peuple y a une telle haine du végétal, qu’il arrache tous les arbres. Voilà un paysage selon ton goût ; un paysage fait avec la lumière et le minéral, et le liquide pour les réfléchir ! » Mon âme ne répond pas. « Puisque tu aimes tant le repos, avec le spectacle du mouvement, veux-tu venir habiter la Hollande, cette terre béatifiante ? Peut-être te divertiras-tu dans cette contrée dont tu as souvent admiré l’image dans les musées. Que penserais-tu de Rotterdam, toi qui aimes les forêts de mâts, et les navires amarrés au pied des maisons ? » Mon âme reste muette. « Batavia te sourirait peut-être davantage ? Nous y trouverions d’ailleurs l’esprit de l’Europe marié à la beauté tropicale. » Pas un mot. — Mon âme serait-elle morte ? « En es-tu donc venue à ce point d’engourdissement que tu ne te plaises que dans ton mal ? S’il en est ainsi, fuyons vers les pays qui sont les analogies de la Mort. — Je tiens notre affaire, pauvre âme ! Nous ferons nos malles pour Tornéo. Allons plus loin encore, à l’extrême bout de la Baltique ; encore plus loin de la vie, si c’est possible ; installons-nous au pôle. Là le soleil ne frise qu’obliquement la terre, et les lentes alternatives de la lumière et de la nuit suppriment la variété et augmentent la monotonie, cette moitié du néant. Là, nous pourrons prendre de longs bains de ténèbres, cependant que, pour nous divertir, les aurores boréales nous enverront de temps en temps leurs gerbes roses, comme des reflets d’un feu d’artifice de l’Enfer ! » Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : « N’importe où ! n’importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde ! » Charles Baudelaire

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