Je reçois chaque semaine des parents en difficulté pour diverses raisons contextuelles. Parfois l’environnement est source d’angoisse, parfois c’est leur manière de faire qui les dépassent. Nous traversons tous des moments de crises, pour des familles isolées, ils peuvent être le déclencheur de drames familiaux. Les parents viennent alors demander une aide passagère dans un lieu ressource où ils peuvent y déposer leurs enfants quelques heures, jours, nuits, et avancer sur leurs démarches pour voir un semblant de lumière dans un moment de vie obscure.

J’ai le privilège d’être la première rencontre avec le/les parents, j’entreprends les entretiens d’admission. Ce sont des hommes, mais plus souvent des femmes qui viennent déposer des mots sur un vécu douloureux. Généralement les entretiens sont intenses, les parents déversent leurs plus profondes culpabilités, manque de confiance, carences et autres sentiments pudiques qui se consument en eux. La distance est imposée par mon bureau qui nous sépare. Seulement dans chaque émotion il y a de la vie ; la tristesse dégouline, la colère rebondie, l’épuisement tombe et mon bureau ne suffit pas. Alors j’ai ce que j’appelle « les mouchoirs magiques », ils réparent les larmes et leur donnent un pouvoir libérateur d’énergie. Entre nous le mouchoir me permet juste de tendre la main et de proposer la rencontre.

Alors oui, j’échange avec beaucoup de femmes. Des exemples, des courages, des sacrifices et des envies d’une vie meilleure pour elles mais surtout pour leurs familles, pour leurs enfants. J’apprends tellement. Leur parcours de vie me touche, je suis impressionnée par la force qu’une femme peut chercher en elle pour ceux qu’elle aime. « En amour rien est jamais acquis », on le sait, on le pense, on le vit parfois, mais ces femmes me le montrent quotidiennement.

C’est la mère qui a parcouru l’Afrique pour sauver son enfant d’une guerre, c’est celle qui a voulu partir de son pays car la société qualifiait de monstre son enfant atteint de trisomie. C’est celle qui se retrouve à la rue seule avec ses quatre enfants suite à une séparation violente. C’est la femme perdue par son histoire carencée qui lutte pour ne pas répéter les mêmes failles avec son enfant. C’est cette éducatrice spécialisée qui vient en tant que mère fragilisée et laisse son égo de côté pour demander de l’aide à un service social. C’est la femme qui travaille le jour, étudie le soir, mais court au restaurant du cœur pour nourrir sa famille, elle ne mange pas elle s’alimente seulement de rêve et d’espoir. Ces femmes font confiance en un avenir qu’elles ne touchent pas mais qu’elles pressentent comme atteignables puisqu’elles vivent encore. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’amour qui les transporte et leur ouvre des portes.

C’est aussi cet homme qui dit « elle a tout plaqué pour me suivre, elle est ma force, elle le voit pas mais elle me rend meilleur », c’est aussi cet enfant qui dit « ma maman c’est la plus mieux ! », c’est ce grand père qui dit « elle est têtue mais elle est belle ma fille », c’est une personne comme moi qui aime mon métier en partie grâce à elles.

Alors avant je n’accordais aucune importance à la journée de la femme. « La fête de la femme ça devrait être tous les jours », oui effectivement c’est un doux espoir mais ce n’est pas une réalité. Aujourd’hui cette journée prend un sens pour moi. Elle fait honneur à tous ces combats qui ne s’acquièrent pas. Aujourd’hui certains élus politiques remettent en question des droits tels que l’avortement, le planning familial, la place des femmes dans la société, j’en passe et des meilleurs…oui, ils m’écœurent… alors dans cette même intuition des femmes combatives que je rencontre chaque jour, j’entends en moi une Simone Weil qui écrit à ce parasite contre la condition de la femme, bien à chaud et sans remords : Fermes-là s’il te plait !

08/03/2017

FEMME LA S'IL TE PLAIT!

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